Une histoire de monstres
On démonte un mythe ?
On va démonter celui du Monstre.
Celui des contes d’enfant qu’on te racontait quand tu étais petite. Un ogre. Un loup.
Celui des mythes. Minotaure.
Good news. Dans la vie, ils n’existent pas. Enfin, si. Il y en a quand même quelques uns, chez lesquels il est difficile de déceler de l’humanité. Ceux-là existent, ont peu de chance de rédemption, mais ils sont rares, forgés d’une matière que nous ne pouvons qu’effleurer.
Dans la vraie vie, il n’y a pas – ou presque – de monstres totaux, parfaits.
Il y a des gens, imparfaits, humains. Et qui parfois, font des trucs de monstres.

Certains prédateurs du monde réel sont brillants, drôles, charismatiques. Sauveurs. Mentors. Patriarches. Leur masque, le scintillant paravent de leur face sombre, c’est une part d’eux-mêmes à laquelle ils croient. Et à laquelle ils savent faire croire. Miroir aux alouettes.
On les aime. On les respecte. On a besoin d’eux. Ami. Collègue. Artiste. Père. Mari. Thérapeute.
Il est là pour toi. Il te veut du bien. Et il le dit. Le monde entier le sait.
Même quand ses actes silencieux contredisent ses paroles. Même quand un geste, une pulsion, fait s’écrouler ton monde. Même quand tout après, redevient normal. Un instant. Et puis, ça recommence. Parce que tu ne t’es pas méfiée, parce que tu n’es pas partie, parce que tu as espéré.
Parce que personne n’a envie de le croire capable de ÇA, même toi.
Tu sais pourquoi le procès de D. Pélicot et de ses complices a eu plus de retentissement que celui de J. Le Scouarnec ?
Parce que le procès de J. Le Scouranec était celui d’un monstre. Et celui de D. Pélicot le procès d’un homme ordinaire.
D’un côté, un ogre. Des centaines de victimes, d’un seul homme. Et les victimes sont des enfants (les enfants, en France, sont notoirement livrés à la violence des adultes). Un seul homme, ce n’est pas un symptôme, c’est une exception, sur laquelle on peut bientôt fermer les yeux, et qu’on peut tranquillement écarter de la société. Les victimes ? Elles vivront ‘avec’ (ah oui, on dit vivre ‘avec’, parce qu’après, ça te lâche pas. Mais on en parlera plus tard).
Celui de Pélicot en revanche, fait tomber les masques des violeurs. Et nous présente une multitude de visages familiers. Bons pères de famille, de toutes classes sociales, origines. Monsieur Tout Le Monde. Et ça, c’est beaucoup plus difficile à accepter. Au point qu’il faille que ce soit filmé pour arriver à le reconnaitre – et encore. Même là, on a du mal.
Not All Men. Bien sûr. Ce serait outrancier de le penser. Avoir à dire ‘Not All Men’, c’est insinuer que les femmes, accusatrices, font des généralisations déraisonnables, qu’elle sont injustes, rageuses. Mais on ne dit pas que TOUS les hommes sont des agresseurs.




Et même si c’est dur, même si ça bouscule un ordre établi, il est peut-être temps de regarder le problème en face. On s’en trouverait tous mieux !


