Les femmes fortes
Je ne suis pas une femme forte.
Du moins, à première vue, je ne suis pas le genre de personne que vous considèreriez comme telle. Je suis petite. Tellement timide. Très sensible (trop, combien de fois on m’a dit que je l’étais trop). J’aime la danse classique. Le rose. Je pleure quand j’écoute de la musique. Je suis une femme à qui on a dit qu’elle ne payait pas de mine. On ne donne pas cher de moi (ce qui me permet, paradoxalement, d’être là où on ne m’attend pas).
Moi, mes femmes fortes, celles que j’ai toujours admiré, ce sont les femmes militantes, battantes, celles qui ne se plaignent jamais, qui avancent en serrant les dents, celles que rien n’empêche d’avancer, qui osent élever la voix. Ce sont nos mères, nos grand-mères, qui ont fait avec moins, survécu dans des époques moins conciliantes. Sans compter les femmes de par le monde, en France ou ailleurs, plus discriminées que moi, par leurs moindres moyens, leur religion, couleur de peau, orientation sexuelle, invalidité… Moi, je suis une femme blanche, hétéro, portée par les efforts des générations passées, qui écrit du confort de son salon.

Pourtant.
Je crois que dire sa vulnérabilité est une forme de force. Qu’il faut parfois que cette sensibilité coule, qu’elle ouvre des discussions, qu’elle permette un instant de poser des fardeaux collectifs. Les femmes fortes, parfois, déposent le leur sur les épaules des autres et attendent qu’elles soient capables à leur tour de les porter sans rien dire. Moi, je ne sais pas le faire. Je me plains à la place des générations de femmes passées qui n’ont rien dit. J’écris. Je dessine. Je danse.
J’ai longtemps pensé que le courage était quelque chose d’inné, une qualité dont on naissait pourvue ou non (je faisais bien évidemment partie de celles qui en étaient dépourvues). Mais j’ai appris que le courage est une force qu’on ne se connait pas, et qu’on découvre le jour où il faut en faire preuve. (Pas une qualité de super héros, réservée aux hommes qui portent une cape).
Le courage ce n’est pas l’absence de peur. C’est être morte de trouille et y aller quand même.
Les femmes ne manquent pas d’opportunité de faire preuve de courage. Il en faut, face aux discriminations, aux violences, à la maternité même (si ça ne s’est pas super bien passé, tu sais). J’ai croisé des humains qui m’ont donné malgré moi des raisons de faire preuve de force (et je suis assez sûre que c’était des spécimens avec un chromosome Y quelque part). Il en faut pour se relever quand on est tombée, il en faut aussi pour oser en parler (elle exagère, elle aime le drame, elle ment, il a rien fait, c’est pas si grave, on n’en meurt pas, il y a pire).
Il y a des moments où j’aurais voulu ne pas avoir à être courageuse. On dit qu’on se forge dans l’épreuve, que ça transforme, on appelle les survivantes : ‘warriors’ (vocabulaire guerrier, qualité masculine, encore), comme si elles avaient eu le choix. Il y a des épreuves qu’on ne choisit pas et qui cassent. Même si on s’en relève, il reste toujours un truc brisé. Et puis parfois, certaines ne s’en relèvent pas. Trauma trop grand, manque de ressources.
Je crois et j’espère qu’on peut se construire autrement que dans la souffrance. Amour, sororité, partage, entraide, écoute, créativité. Ça, nous les femmes, on sait faire (et ce n’est pas une forme de naïveté ou de bien pensance que de croire que c’est de cela qu’on a besoin dans ce monde qui se durcit et se ré-arme).
C’est pour célébrer cette résilience que j’écris ce blog. Pour libérer la parole (courage, courage). Pour s’accorder de la vulnérabilité. Pour dire : on s’en sort. Et pour pouvoir me dire : peut-être que je suis forte après tout.

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